Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/122

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païenne, l’autre chrétienne, chacune avec ses doctrines, ses lois, sa littérature, et l’on peut se demander à laquelle des deux appartiendront les peuples nouveaux qui se pressent aux portes de l’empire.

En effet, le paganisme n’avait pas fui aussi rapidement qu’on le croit, ni devant les lois des empereurs chrétiens, ni devant les progrès de la philosophie. Depuis soixante ans que les édits de Constance, renouvelés par Théodose, poursuivaient les superstitions idolâtriques, on ne voit pas qu’en Occident ils eussent fait fermer les temples, ni éteint le feu des sacrifices. Quand Honorius visita Rome, en 404, pour y célébrer son sixième consulat, les sanctuaires de Jupiter, de la Concorde, de Minerve, couronnaient encore le Capitole, et leurs frontons chargés de statues faisaient planer sur la ville éternelle les images des anciens dieux. Les autels votifs tout couverts d’inscriptions attestent qu’on n’a pas cessé de répandre le sang des béliers et des taureaux ; et jusqu’au milieu du cinquième siècle on nourrit les poulets sacrés dont les présages gouvernaient Rome et l’univers. Les calendriers de ce temps indiquent encore toutes les fêtes païennes et les jeux qui les solennisaient. Nous connaissons trop peu l’antiquité, nous ne savons pas assez comment ce culte de la nature, chanté par les poëtes, justifié par les sages, conduisait à honorer les deux grands mystères de la vie et de la mort par la prostitution religieuse et par le sacrifice humain. Nous ne savons pas assez que le théâtre et l’amphithéâtre, dédiés l’un à Bacchus, l’autre au Soleil, étaient des