Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/165

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rituelles. Au lieu de le défendre contre cette ivresse des sens, le paganisme l’y plongea : il lui fit adorer dans la nature la puissance qui propage la vie. Ce culte brillant, qui avait eu à ses ordres Phidias et Praxitèle, choisit un signe obscène pour résumer tous ses mystères. Voilà ce qu’on promenait dans les villes et les campagnes du Latium aux fêtes de Bacchus, avec des cérémonies où les plus illustres matrones avaient leur rôle. Les chants et les pantomimes qui accompagnaient la pompe sacrée ne permettaient pas à ces femmes d’ignorer ce qu’elles faisaient[1]. Je sais qu’on a couvert du nom de symbolisme ces infamies ; mais où les prêtres mettaient des symboles, les peuples trouvaient des excitations et des exemples. On honora les dieux en les imitant : leurs adultères servirent à rassurer les consciences timides. Enfin, après avoir adoré l’amour, qui fait circuler la vie dans la nature, on divinisa les voluptés sans nom qui révoltent toute la nature. On ne pouvait célébrer plus dignement l’apothéose de la chair qu’en lui sacrifiant la beauté et la pudeur. La prostitution devint un culte ; elle ouvrit à Chypre, à Samos, à Corinthe, au mont Éryx des temples desservis par des milliers de courtisanes[2]. Ainsi la luxure avait aussi ses immolations humaines. Ainsi la terreur et la volupté, ces deux mauvais génies du paganisme, poussaient

  1. s. Augustin, de Civit. Dei, lib. VII, cap 21, 24. Cf. Aristophane, Acharn. Cf. Ovide, Fast. VI ; Hérodote, II, 4, 8.
  2. Plaute, Amphitryo ; Térence, Eunuch., III, 5 ; Ovide, Metamorph., IX, 789 ; Hérodote, I, 182, 189 ; Justin, XVIII, 5. Cf. Tzschirner, p. 16 et suiv.