Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/166

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l’homme au même abîme. Dans son éloignement du souverain bien, il en était devenu jusqu’à diviniser le mal, jusqu’à l’adorer sous ses deux formes, la destruction et la corruption, jusqu’à le servir en se corrompant, en se détruisant lui-même. En présence d’un tel égarement, d’un culte qui outrageait l’intelligence, qui sanctifiait l’homicide, qui stipendiait l’impureté, saint Augustin l’atteste, les chrétiens honorèrent trop la nature humaine pour croire que d’elle-même elle fût descendue si bas : ils trouvèrent plus pieux de penser que l’Esprit du mal avait seul conçu tant d’horreurs, et trouvé le moyen de déshonorer l’homme pour l’asservir[1].

En effet, ces horreurs qui auraient dû soulever contre le paganisme toutes les âmes, servaient, au contraire, à les lui subjuguer en les dégradant, et c’est par là qu’il retint pendant plus d’un siècle l’empire que les lois lui retiraient. Les édits impériaux avaient proscrit les superstitions, dispersé les prêtres de Cybèle et les prêtresses de Vénus : tout le culte païen, avec ses attraits charnels et homicides, subsistait encore dans les spectacles. Saint Cyprien avait appelé l’idolâtrie « la mère des jeux. » Et comment une religion qui aboutissait à diviniser le plaisir ne se fût-elle pas emparée des plaisirs publics ? Rome avait emprunté de l’Étrurie ses combats des gladiateurs pour apaiser les morts, et les danses d’histrions pour conjurer la colère du ciel.

  1. s. Augustin, de Civil. Dei, lib. VII, cap. 27, p. 117.