Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/180

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l’unité de nature subsiste par l’égalité des trois personnes. Au contraire, Plotin détruit l’unité divine en supposant trois hypostases inégales. À ses yeux, le premier principe est seul parfait, seul indivisible. Le second et le troisième s’en détachent par une sorte de déchéance et penchent déjà vers ce monde imparfait qu’ils engendrent. Enfin, ce dieu divisé n’était pas un dieu libre. Il produisait par nécessité, par l’écoulement inévitable de sa substance, un monde éternel comme lui. Le panthéisme de Plotin divinisait la matière ; il justifiait la magie ; car le magicien, disait-il, avec ses philtres et ses formules, ne fait que réveiller les attractions par lesquelles l’âme universelle gouverne toutes choses. Il justifiait aussi l’idolâtrie ; car le ciseau du sculpteur, en faisant prendre au marbre le caractère de l’intelligence et de la beauté, prépare à l’âme suprême un réceptacle où elle doit se reposer avec plus de complaisance[1].

C’est à ces conséquences que descendait la métaphysique la plus hardie qui fût sortie des écoles anciennes. La morale qui l’accompagnait devait aboutir aux mêmes extrémités. En effet, puisqu’il était dans la nature divine de tout produire et de tout animer, les âmes humaines émanées d’elle ne pouvaient s’empêcher de descendre jusqu’à la matière. Il n’y avait donc point de

  1. Plotin, Ennéade III, VIII, 9 ; Enn. VI, VIII, 7 ; ibid., IX, 6 ; Enn. II, IX, 4 ; Enn. IV, IV, 40 ; ibid., III, 11. M. Ravaisson a marqué d’un trait ferme et sûr le point où la doctrine de Plotin s’écarte de la pensée chrétienne pour aller se perdre dans le naturalisme païen, Essai sur la métaphysique d’Aristote, t. II, p. 465.