Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/188

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étaient encore assez violents pour persécuter. Ce même Symmaque, si peu sûr de ses dieux, aux yeux de qui la raison souveraine des choses est couverte d’un nuage éternel qui ne trouve pas les controverses religieuses dignes d’occuper un homme d’État, consume son infatigable activité à poursuivre une vestale séduite. Il se concerte avec les officiers impériaux, il presse le préfet de la ville et le président de la province. Il n’aura pas de repos qu’il n’ait vu, selon l’usage des ancêtres, la coupable enterrée vive. Sous la robe du sénateur, sous les dehors polis de l’homme lettré, les instincts sanguinaires du paganisme se conservaient comme sous les haillons de la multitude qui encombrait l’amphithéâtre. En 402, Symmaque allait célébrer par des jeux la préture de son fils. Longtemps d’avance, il avait épuisé les provinces de ce qu’elles avaient de plus rare : chevaux de courses, bêtes féroces, comédiens, gladiateurs. Au milieu de ces soins, un chagrin inattendu le trouble, il a besoin d’en écrire à Flavien, son ami. Ce ne serait pas trop, dit-il, pour le consoler, de toute la philosophie de Socrate. Il avait acheté des prisonniers saxons destinés aux combats de l’arène. Vingt-neuf de ces misérables ont eu l’impiété de s’étrangler de leurs mains plutôt que de servir aux plaisirs du peuple-roi[1].

Voilà donc ce que la sagesse païenne avait su faire d’une âme naturellement droite et bienveillante, au cinquième siècle, à cet âge avancé du monde, dans une

  1. Symmaque, lib. IX, epist. 128, 129 ; lib. II, epist. 46.