Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/189

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société qui s’éclairait de tous les flambeaux de l’antiquité. Cependant le parti du passé n’avait rien de plus grand que Symmaque. Un historien, païen lui-même, s’est chargé de peindre le reste de l’aristocratie. Il représente les derniers gardiens des traditions de Numa, ne croyant plus aux dieux, mais n’osant prendre ni le repas ni le bain avant que l’astrologue leur eût assuré des planètes favorables. Les fils de ces Romains qui allaient, avec la rapidité des aigles, vaincre sous tous les cieux brûlants ou glacés, croyaient maintenant avoir égalé les travaux de César s’ils côtoyaient le golfe de Baïa bercés sur une barque somptueuse, éventés par de jeunes garçons, et déclarant la vie insupportable si un rayon de soleil se glissait à travers le parasol ouvert sur leur tête. Ils traînaient en public toute l’infamie de leurs orgies domestiques, et s’ils paraissaient sur les places, entourés d’une légion d’esclaves, on y voyait au premier rang des troupes d’adolescents mutilés pour d’affreux plaisirs. Comment ces voluptueux auraient-ils respecté l’humanité ? Ils ne surent jamais ce qu’il y a de sacré dans le sang et dans les larmes de l’homme. Ils riaient du serviteur rusé qui avait tué son compagnon ; ils condamnaient aux verges celui qui leur faisait attendre l’eau chaude[1].

De tels esprits devaient aimer le paganisme, qui laissait la paix à leurs vices. En désespoir de la vérité, ils ne demandaient plus que le repos dans l’erreur, et

  1. Ammien Marcellin, XIV, 6 ; XXVIII, 4.