Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/232

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conquis, et jusqu’en Asie sur les côtes de la Troade. Ainsi Rome est une divinité : ce qu’elle veut est juste, ce qu’elle décide par l’organe de ses curies est la loi légitime ; les dieux ont consenti à la ratifier, après qu’on a pris les auspices et qu’on s’est assuré par là de la communication entre la terre et le ciel.

Pour qu’un acte ait la vie, pour qu’il porte son caractère divin, il faut qu’il soit accompli avec un ensemble de rites et de cérémonies. Dieu lui-même intervient dans les jugements, sous les traits du magistrat pour pacifier la terre ; le supplice est une immolation ; le tribunal, un lieu sacré qui doit être orienté, qui se ferme au moment où se retire le soleil, image de la lumière intellectuelle destinée à éclairer le jugement.

Tout a conservé cette puissante empreinte théocratique, qui est celle de toutes les anciennes civilisations païennes : de même que Rome est souveraine chez elle, chaque père de famille est un dieu chez lui, génie envoyé pour un temps ici-bas. Sa volonté a tous les caractères de la loi, d’un destin irrésistible : elle n’admet point de limites et s’étend jusqu’au droit de vie et de mort sur tous ceux qui l’entourent : sur sa femme qu’il juge, sur son fils qu’il expose, sur son esclave qu’il tue.

L’autorité, la présence d’une volonté irrésistible dans tous les actes humains, voilà ce qui caractérise l’ancien droit romain, ce qui en fait un mystère ; voilà, en même temps, ce qui provoquera le plus puissant réveil de la liberté qu’on ait jamais vu. La fonction de Rome, en effet, en exagérant à ce point le principe