Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Claudien se permettait à peine une épigramme furtive contre Jacobus ; mais Rutilius, chemin faisant, en revenant de Rome à Marseille, a passé près de l’île Capraria et l’a trouvée habitée par des moines : il faut voir comment il traite ces gens à robe noire et à face maussade, il faut voir comment il qualifie ces hommes qui détestent la lumière et qui « d’un nom grec se disent moines, parce qu’ils veulent vivre sans témoins, qui fuient les dons de la fortune pour éviter ses coups, et se font misérables pour ne point connaître la misère. Quelle est cette rage d’un cerveau troublé de porter la terreur du mal jusqu’à ne pouvoir souffrir le bien[1] ? » Vous verrez plus tard ces paroles de Rutilius répétées comme un refrain par les poëtes provençaux, par les poëtes médisants de la langue d’oil, dans leurs querelles éternelles avec le clergé, et s’en allant de siècle en siècle jusqu’à nos pères, jusqu’à nous, qui peut-être les croirons nouvelles.

Il serait plus intéressant de suivre cette poésie païenne au moment où elle se glisse en quelque sorte sous des plumes chrétiennes, de la voir dans deux hommes, l’un du quatrième, l’autre du cinquième siècle, Ausone, et Sidoine Apollinaire. Ce dernier s’at-

  1. Processu pelagi jam se Capraria tollit.
    Squalet luci fugis insula plena viris.
    Ipsi se monachos graio cognomine dicunt,
    Quod soli nullo vivere teste volunt.
    Munera fortunæ metuunt, dum damna verentur ;
    Quisquam sponte miser, ne miser esse queat ?
    Quænam perversi rabies tam stulta cerebri,
    Dum mala formidas, nec bona posse pati ?

    (Ruti., Itiner., v. 439.)