Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/282

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ses souvenirs, il va chercher Cupidon à Cypre pour l’amener aux noces ; il faut que le dieu vienne fiancer les barbares et faire leur éloge ; ce sera l’Amour qui louera le prince et Vénus la princesse, cette autre Vénus, plus belle que les Néréides et à qui les fleuves sacrifient leurs nymphes.

Ipsa suas subdunt tibi flumina nymphas.

Ce que Vénus et l’Amour ne savent pas, c’est que cette belle Espagnole, cette jeune princesse barbare, l’enchantement du monde, sera un jour traînée par les cheveux à la queue d’un cheval indompté, en présence des armées barbares qui hurleront autour d’elle. Voilà ce que les divinités païennes ne savaient plus prévoir, ce que Jupiter ne savait plus annoncer ; aussi l’épopée n’était plus avec ces dieux sans prévision, mais dans le camp de ces barbares méprisés ; elle était là où elle a le tort d’être presque toujours, avec les vainqueurs ; comme elle était avec les Grecs contre les Troyens, avec les Romains contre le monde, elle était avec les barbares contre les Romains ; elle était dans ces chants populaires qui célébraient le beau Sigurd, vainqueur du dragon, et groupaient autour de lui les héros de l’invasion ; dans ces chants qui représentaient Attila, finissant par périr vainqueur du monde, mais captif, désespéré et mourant de faim, entouré d’or au fond d’une caverne dont on a fermé les trois portes de fer, pendant que son ennemi lui crie : Rassasie-toi d’or, désaltère-toi d’argent ; elle était avec Théodoric, pous-