Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/352

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s’était si peu souvenu de la parole donnée, qu’il faisait copier par des moines les dialogues de Cicéron, et qu’allant à Jérusalem il portait avec lui un traité de Platon pour ne pas perdre son temps ; il professe la grammaire à Bethléem, explique Virgile, les lyriques, les comiques, les historiens, à des enfants qu’on lui a confiés pour les former à la crainte de Dieu ; à l’accusation de Rufin il ne sera pas embarrassé de répondre qu’après tout il s’agit d’un songe : « Rufin me reproche, dit-il, la promesse que j’ai faite dans un rêve, et les réminiscences parjures qu’il relève dans mes écrits. Mais qui donc peut oublier son enfance ? J’ai la tête deux fois chauve, et cependant que de fois en dormant je crois me revoir jeune homme aux longs cheveux, à la toge drapée, déclamant devant le rhéteur… Faut-il donc boire l’eau du Léthé ? C’est ce que je répondrais s’il s’agissait d’un engagement pris dans la plénitude de mes sens éveillés. Mais celui qui me reproche mon songe, je le renvoie aux prophètes qui enseignent que les songes sont vains et ne méritent point de foi[1]. » Ce qui est grave, ce qui est remarquable, c’est que saint Jérôme écrit ceci en 397 et en 402 ; il est vieux, il a l’expérience de la vie, il a assisté à tous ces grands débats qui se sont agités autour de lui, et il ne s’est sans doute pas décidé sans raison ; il a contracté une sagesse plus douce, plus éloignée des excès de la jeunesse ; et de même que dans

  1. Contra Rufinum,. l. I, 30.