Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/372

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parole : consummatum est, qui demandait la foi du genre humain, se fut exhalée des lèvres de celui qui était venu apporter la vie et la délivrance à l’humanité, aussitôt on put voir un prodige sans exemple : dans ce monde en décadence, corrompu et pour ainsi dire éteint, se réveilla une force de foi que personne n’aurait supposée. Un théologien allemand, critiquant le texte des Évangiles, a dit que la supposition y éclatait d’une manière manifeste au passage où il est raconté que le Christ, côtoyant le lac de Génézareth et rencontrant des pêcheurs, leur dit : « Suivez moi, » et que, laissant leurs filets, ils le suivirent. Le critique déclare que, pour lui, à leur place, il n’aurait jamais suivi ; qu’il ne comprend pas l’inconséquence et le peu de logique de ces bateliers, abandonnant leurs filets et leur barque pour suivre le premier passant qui leur promet la vie éternelle. C’est là, en effet, qu’est le prodige, et je le trouve bien moins encore dans ces deux ou trois Galiléens que dans ces populations innombrables du monde grec, asiatique, romain, qui s’arrachent tout à coup, non pas à leurs bateaux, à leur travail de chaque jour, à la sueur de leurs fronts, mais aux plaisirs, aux voluptés, à cette vie de délices que le monde ancien entendait bien autrement que nous, pour se précipiter dans les difficultés, dans les privations, dans les sacrifices de la vie chrétienne, de cette vie bien plus difficile que la mort ; car la foi des martyrs me touche, la foi de ceux qui meurent me touche ; mais je suis encore plus ému de la foi de ceux qui vivent au milieu d’un monde qui