Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/417

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l’étude, mais à l’enseignement de ces lettres dégénérées de la décadence ; il devait faire un jour marchandise de sa parole et enseigner l’art de mentir en bons termes. C’est dans les écoles de Madaure et de Carthage, où l’on trafiquait de l’éloquence, que le jeune Augustin commença à s’exercer aux jeux du langage, à cet art dangereux qui tient la pensée pour peu de chose, et cherche les vains plaisirs de l’oreille. Il eut pour condisciples les étudiants de Carthage, ces jeunes gens qui avaient une réputation de désordre et qu’on appellait eversores, ravageurs ; et, comme le dit saint Augustin, quand ils se présentaient au cours d’un maître en faveur, c’était en entrant par les portes et par les fenêtres, en brisant tout ce qui s’opposait à eux. Vous devez par là juger des périls que courait saint Augustin, au milieu de ces entraînements ; et le livre des Confessions nous dit, en effet, qu’il ne résista à aucune de ces tentations qui peuvent assaillir la première jeunesse. Cependant Dieu lui avait fait un cœur inquiet et qui ne pouvait trouver de repos qu’en lui. De bonne heure, cette inquiétude secrète d’une âme qui aspire à la pureté s’était réveillée au milieu de toutes les souillures ; tout enfant, il avait coutume de prier Dieu pour obtenir que ses maîtres ne le battissent pas de verges, et plus tard, lorsque le souvenir de la Divinité semblait devoir être banni de ses nuits de débauche et d’orgie, cependant elle le visitait sans qu’il la reconnût. Il éprouvait cette admiration de la beauté qui révélait chez lui une véritable vocation littéraire,