Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/418

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qui lui arrachait des larmes à la lecture des malheurs de Didon, le faisait s’asseoir, non pas tant aux jeux du cirque qu’aux représentations de la scène, et surtout des tragédies qui lui mettaient sous les yeux les infortunes héroïques des grands hommes de l’antiquité. Cette passion infinie du beau le poursuit dans sa chaire d’éloquence, et, en présence de ses amis, il leur dit : « Quid amamus nisi pulchrum ? Quid est pulchrum ? » Et pour son premier ouvrage, il écrit trois livres sur le beau.

Ce n’est pas seulement le beau qui l’attire, c’est aussi le bien ; l’amitié, l’attraction d’une âme par une âme se révèle bien fortement à lui lorsque, ayant perdu un condisciple qu’il aimait, il nous représente sa douleur et les déchirements de son cœur que rien ne pouvait consoler : « Mes yeux le cherchaient de toutes parts, et on ne me le rendait point, et je haïssais toutes choses parce qu’elles ne me le montraient pas, parce qu’elles ne pouvaient plus me dire : Voici qu’il va venir tout à l’heure, comme lorsqu’il vivait, et qu’il était absent. Je portais donc mon âme déchirée et saignante, impatiente de se laisser porter ; et je ne savais où la poser : car elle ne se reposait ni dans les aimables bocages, ni dans les jeux et les champs, ni dans les lieux parfumés, ni dans les festins, ni dans les voluptés, ni enfin dans les livres et les vers[1]. »

Voilà comment saint Augustin aimait, et s’il aimait ainsi un ami, que devait-ce être des autres emporte-

  1. Confessiones, l. IV, c. iv.