Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/420

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et que la figue qu’on détache de l’arbre versait une larme de douleur. Voilà ce que croyait saint Augustin plutôt que de ne rien croire, tant cette âme avait besoin de se sacrifier, de se dévouer tout entière ! Ce n’est pas tout : les manichéens eux-mêmes finirent par le fatiguer de leurs exigences, des sacrifices qu’ils demandaient à sa haute raison, et, en même temps, les livres des néo-platoniciens étaient tombés entre ses mains, il y trouva une philosophie qui lui parlait encore de Dieu comme du souverain bien. Il se laissa attirer vers eux de préférence. Avec eux il commençait à comprendre Dieu autrement que sous des formes corporelles, comme une lumière sacrée, invisible, impalpable. Cependant ces notions avaient tant de peine à pénétrer dans son âme, qu’il hésitait encore : « Et je disais : La vérité n’est-elle donc rien parce qu’elle n’est répandue ni dans un espace fini, ni dans des espaces infinis ? Et vous m’avez crié de loin : Je suis, je suis celui qui est ; et j’entendis comme on entend dans le cœur, et il ne me fut pas plus possible de douter de la vérité que de ma vie[1]. »

Mais, au moment où cette révolution s’opérait dans l’esprit de saint Augustin, il quittait Carthage, en 385, et faisait voile pour Rome, laissant sa mère agenouillée sur le bord du rivage pendant que le vaisseau cinglait et emportait au loin ce fils de tant de larmes. À Rome, le préfet de la ville auquel on avait demandé un profes-

  1. Confessiones, l. VII, c. x.