Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/419

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ments de son cœur ? Aussi, au milieu de l’horreur que lui inspirent la fougue et les déréglements de sa jeunesse, on reconnaît que cette âme ne se précipitait ainsi dans de coupables amours que parce qu’elle était affamée d’un autre amour, et parce qu’une nourriture divine lui avait été retirée. À dix-neuf ans l’Hortensius de Cicéron tombe entre ses mains, et alors il prend en dégoût la fortune et jure de n’aimer que l’éternelle sagesse, et déjà, dit-il, je me levais pour retourner à « vous, ô mon Dieu[1] ! » Cependant l’Hortensius ne le satisfaisait qu’à demi ; il s’affligeait de n’y pas trouver le nom du Christ, mot qui était resté attaché, avec quelque chose de tendre et de doux, au fond de son cœur.

Les manichéens parlent du Christ, et c’est ce qui l’attire vers eux ; il était tourmenté de la pensée de Dieu et se demandait sans cesse : Qu’est-ce que le mal ? d’où vient la présence du mal ? Une secte qui lui promettait l’explication du mal devait donc le séduire. Les manichéens l’avaient entraîné jusqu’à ce point, qu’il admettait avec eux un Dieu corporel, une âme corporelle ; aucune notion d’esprit n’entrait dans son intelligence ; il croyait que le Christ résidait entre le soleil et la lune, qu’il n’avait eu qu’un corps fantastique, que l’homme primitif avait été mis en morceaux par l’esprit des ténèbres, que les plantes exhalaient différentes parties de l’âme du monde avec leurs parfums,

  1. Confessiones, 1. III, c. iv.