simes retirés dans la paix de leurs villas, non-seulement les lettrés et les philosophes épris d’une civilisation où l’esprit humain avait porté toutes ses clartés, mais les chrétiens, les anachorètes au désert. Comment n’auraient-ils pas cru aux approches du dernier jour en voyant crouler l’empire qui, selon Tertullien, suspendait seul la fin des temps ? Au récit de cette effroyable nuit où Alaric entra dans Rome avec le fer et le feu, saint Jérôme frémit au fond de sa solitude de Bethléem ; il s’écrie : « Une rumeur terrible nous vient d’Occident ; on raconte Rome assiégée, rachetée à prix d’or, assiégée de nouveau, afin qu’après les biens périssent aussi les vies. Ma voix s’arrête et les sanglots étouffent les paroles que je dicte. Elle est captive la cité qui mit en captivité le monde :
Quis cladem illius noctis, quis funera fando
Explicet, aut possit lacrymis æquare dolorem ?
Cependant cette catastrophe, qui épouvantait toute la terre, n’étonna pas saint Augustin. Soit que ce beau génie fût moins retenu par les attaches du patriotisme antique, ou plutôt que l’amour l’élevât à des hauteurs plus sereines, il mesura d’un regard plus sûr la grandeur menaçante des événements. Au milieu des colères païennes qui reprochaient au christianisme la chute de l’empire, Augustin écrit son livre de la Cité de Dieu, et, remontant à l’origine des temps pour expliquer à la fois les destinées de Rome et du monde, il marque d’un trait lumineux cette loi chrétienne du progrès dont j’ai