Page:Ozanam - Œuvres complètes, 2e éd, tome 01.djvu/91

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faiblement indiqué la trace. Au commencement des choses, deux amours ont bâti deux villes. L’amour de soi-même, poussé jusqu’au mépris de Dieu, a construit la cité de la terre ; l’amour de Dieu, poussé jusqu’au mépris de soi-même, a construit la cité du ciel. La cité de la terre est visible : elle est Babylone, elle est Rome ; elle peut périr. La cité du ciel est invisible, elle se confond pour un temps avec la cité de la terre ; mais elle ne périt pas sous les ruines de Babylone et de Rome. Elle grandit sans cesse depuis la famille patriarcale jusqu’au peuple d’Israël et jusqu’à l’Église chrétienne. L’Église s’accroît par les persécutions, s’éclaire par les hérésies, se fortifie par les tourmentes. Elle poursuit sur la terre le cours d’une semaine laborieuse dont elle célébrera le sabbat au ciel, non dans la stérilité d’un repos inactif, mais dans l’activité éternelle de l’intelligence et de l’amour.

Les temps qui suivent vont justifier saint Augustin. Au moment où l’empire est conquis, la civilisation chrétienne devient conquérante. Cette conquête dépasse toutes celles de l’antiquité, par la profondeur, la difficulté et l’étendue de ses desseins.

Et d’abord, le christianisme se proposait la conquête des consciences. Rome n’y avait jamais songé. Elle mettait la main de ses légions sur les terres conquises, la main de ses proconsuls sur les populations ; elle ne s’occupait pas des âmes, ni de leurs destinées immortelles. Sans doute elle disciplinait les barbares, c’était beaucoup ; elle les instruisait, c’était davantage : jamais