Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/117

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un assez bon vivant, ne demandant pas mieux que la joie ; m’occupant peut-être-trop de littérature, d’histoire et de philosophie, faisant un peu de droit, et perdant-toujours, selon ma coutume, un temps considérable.

Bien que tu puisses me reprocher ce ton de sermon qui règne dans mes lettres, j’ai encore sur le cœur quelque chose que j’ai besoin de te dire. Il y a longtemps, mon cher ami, que je me suis aperçu que tu manquais un peu de franchise avec moi sur un seul point, parce que tu craignais sans doute de m’ouvrir l' âme. Je veux, parler de la foi ! Je suis bien sûr qu’en cette matière il s’est passé dans ton esprit des révolutions dont tu ne m’as point parlé, et dans lesquelles pourtant j’aurais été jaloux d’intervenir, non, certes, pour t’enseigner, je ne le puis ; mais pour partager un peu tes inquiétudes et te donner quelques consolations. Je ne pense pas que tu aies renoncé tout à fait aux croyances de ta jeunesse, mais tu es devenu indifférent à leur égard ; ou plutôt tu les as reléguées dans le domaine des opinions philosophiques, et tu as accepté le christianisme comme une noble et sainte. doctrine, mais en le modifiant selon tes propres. idées. Pourtant les idées religieuses ne sauraient avoir aucune valeur, si elles n’ont une valeur pratique et positive. La religion sert moins à penser qu’à agir, et si elle enseigne à vivre, c’est afin d’enseigner à mourir.