Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/128

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Nous menons ici une vie si singulière et si monotone, nous avons si peu de distractions, et de communications au dehors, que nous sommes obligés de nous replier sur nous-mêmes. Nous sommes placés entre des études arides que le devoir nous imposée et qu’il faut accepter, et des études séduisantes dont le charme nous attire et dont il faut se défier. Nous sommes entourés de partis politiques qui, parce que nous commençons à porter barbe, voudraient nous entraîner dans leurs ornières même en religion, nous n’entendons que controverses, nous voyons des disputes où la charité manque et le scandale abonde. Pas de réunion littéraire qui ne soit observée par les espions du gouvernement ou de certains journaux soi-disant religieux. Taxés de bigots par nos camarades impies, de libéraux et de téméraires par des gens âgés ; interpellés à chaque instant sur ce que nous pensons et sur ce que nous faisons ; soumis au pouvoir arbitraire de nos professeurs d’Université ayant à craindre quelquefois pour nous-mêmes au temps d’émeutes, et surtout pour nos parents éloignés de nous c’est une existence bien bizarre et bien ennuyeuse, à laquelle, s’il ne s’agissait que de mon bien-être, je préférerais cent fois n’être jamais sorti de mon trou, mais dont je ne me plains pas quand je pense que j’y apprends à connaître le monde tel qu’il est, et que peut-être la Providence m’y éprouve aiin que je sois plus utile ensuite