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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/17

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Ce qu’on pense autour de moi ? je vous avoue que j’aurais bien de la peine vous en rendre compte. Je crois cependant qu’à parler d’une manière philosophique, en province on ne pense pas, ou du moins on pense fort peu. On vit une vie industrielle et matérielle ; chacun avise à sa commodité personnelle, à son bien-être particulier ; et puis, quand messire Γαςτήρ est satisfait, quand le coffre-fort est plein, on fait de la politique à l’entour des cheminées ou des tables de billard, on parle beaucoup de liberté sans y rien comprendre, on vante la conduite de la garde nationale et des écoles aux journées de décembre, mais on ne se soucie guère des protestations, des proclamations de messieurs de l’École de droit ; on les blâme fort de vouloir gouverner le gouvernement et d’essayer d’implanter leur petite république au milieu de notre monarchie. L’ordre matériel, une liberté modérée, du pain et de l’argent, voilà tout ce qu’on veut ; on est fatigué des révolutions, c’est du repos qu’on désire ; en un mot, nos hommes de la province ne sont ni des hommes du passé ni des hommes de l’avenir : ce sont des hommes du présent, les hommes de la bascule, comme dit la Gazette.

Tels sont mes entourages ; et puis vous voulez que je vous dise ce que je pense, moi, pauvre petit nain, qui ne vois les choses que de loin et à travers les récits souvent trompeurs des journaux et les raisonnements plus absurdes encore de nos politi-