Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 10.djvu/352

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de son larynx et Charles était, là passant de tristes vacances. Que ce retour était triste Au bout d’une semaine la maladie changea d’allures, et d’aiguë devint chronique. Nous prîmes un peu d’espérance. Mais bientôt il fallut reconnaître que le mal faisait d’incontestables, progrès: on cherchait à se faire illusion, et après quelque temps il fallait avouer que le mieux apparent avait été trompeur ; et de déception en déception on est arrivé, mon cher ami, à ne plus croire une guérison possible. Aujourd’hui, plongée dans un assoupissement sans fin, qu’entretient une fièvre dévorante, elle n’entend plus guère, elle ne répond presque pas, si ce n’est quand on lui parle de ses enfants et de Dieu, vers qui toutes ses pensées continuent de s’élever sans efforts. Elle a reçu les derniers sacrements avec cette piété calme qui évitait les émotions pour nous épargner des sanglots ; elle souffre les remèdes les plus incommodes et les plus pénibles, résignée, douce et presque souriante, non par une contrainte morale dont elle n’est plus capable, mais par habitude de bienveillance et de charité. Jamais sa vertu ne se révéla mieux qu’en ces moments où elle est en quelque sorte devenue instinctive. Et c’est alors que nous commençons à la comprendre et à l’apprécier, que cette pauvre mère nous échappe, et nous laisse tout seuls au monde, mon petit frère si jeune et si exposé, moi si faible et si mauvais. En voilà bien assez pour que vous sachiez ma