Mes chers parents,
La lettre d’Amélie ne partira pas sans que je m’associe aux sentiments qu’elle vous exprime. Regrets d’abord pour les inquiétudes que vous a dû causer notre involontaire silence ; et malgré que nous eussions longuement écrit de Messine, la lenteur et l’irrégularité des courriers vous ont laissé dans l’ignorance de notre course aventureuse. Relégués pendant trois semaines à l’une des extrémités de l’Europe, loin de toute communication régulière avec le monde civilisé, nous avons bien eu, nous aussi, nos anxiétés et nos peines ; l’une des plus vives était de ne pouvoir écrire, et nous avons su quelle terrible chose c’est que d’habiter une île. Depuis qu’on a dû repêcher le roi et la reine de Naples dans le golfe, nous jurons bien comme le bon Sancho de ne plus visiter que des îles de terre ferme.