Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/143

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
LETTRES DE FRÉDÉRIC OZANAM

foule pour aller au-devant de lui et se jeter à la sainte table. Les marches étaient couvertes de deux rangs de fidèles, serrés, troublés, émus jusqu’aux larmes. Point de distinction. Il y avait là, la reine douairière de Saxe, de pauvres Italiennes, des femmes, des hommes de différentes nations, et mon Amélie et moi dans cette foule, à côté l’un de l’autre, comme nous l’avons toujours été dans le bonheur et dans le malheur, comme nous espérons l’être jusqu’au bout de la vie et après la vie. Que nous aurions voulu avoir avec nous tous ceux que nous aimons ! Le cortège sacré s’est approché de nous. J’ai vu cette admirable figure de Pie IX tout éclairée par les flambeaux, tout émue par la sainteté du moment, plus noble, plus douce que jamais. J’ai baisé son anneau, l’anneau du pêcheur qui depuis dix-huit siècles a scellé tant d’actes immortels. Puis j’ai tâché de ne plus rien voir, de tout oublier pour ne plus songer qu’à celui qui est notre maître à tous et devant qui les pontifes ne sont que poussière. Une demi-heure après, la messe d’action de grâces étant dite, le pape est sorti au milieu de la foule agenouillée pour recevoir sa bénédiction. Nous verrons d’autres fois Pie IX au milieu des pompes de la papauté ; mais il était touchant de le voir cette fois, visitant son séminaire comme un prélat consciencieux, et communiant son peuple comme un bon prêtre. On s’attend ici à trouver des cérémonies magnifiques, mais on aime bien mieux