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LETTRES DE FRÉDÉRIC OZANAM

état mais il a peu duré. Bientôt d’autres moments sont venus où j’ai commencé à pressentir que je n’étais point seul, où quelque chose d’une douceur infinie s’est passé au fond de moi c’était comme une assurance qu’on ne m’avait point quitté, c’était comme un voisinage bienfaisant quoique invisible, c’était comme si une âme chérie, en passant, m’eût caressé de ses ailes. Et de même qu’autrefois je reconnaissais les pas, la voix, le souffle de ma mère ainsi quand un souffle réchauffant ranimait mes forces, qu’une idée vertueuse se faisait entendre à mon esprit, qu’une salutaire impulsion ébranlait ma volonté, je ne pouvais m’empêcher de croire que c’était toujours elle.

Maintenant après deux années, après le temps qui peut dissiper les premiers égarements d’une imagination ébranlée, j’éprouve toujours ceci. Il y a des instants de tressaillement subit, comme si elle était là, à mes côtés ; il y a surtout, lorsque j’en ai le plus besoin, des heures de maternel et filial entretien, et alors je pleure peut-être plus que dans les premiers mois, mais il se mêle à cette mélancolie une ineffable paix. Quand je suis bon, quand j’ai fait quelque chose pour les pauvres qu’elle a tant aimés, quand je suis en repos avec Dieu qu’elle a si bien servi, je vois qu’elle me sourit de loin. Quelquefois si je prie, je crois écouter sa prière qui accompagne la mienne, comme