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ANNÉE 1842

droit. J’allais chercher auprès d’elle des encouragements et des conseils, souvent sans d’autre but que d’épancher mes peines ou mes espérances, plus d’une fois pour m’entretenir de mes plus chers desseins. Et je n’hésitais pas, je savais que ma mère t’avait aussi regardé comme un fils ; que ces deux saintes et affectueuses femmes, rapprochées par la main de Dieu pour s’aider l’une l’autre, avaient souvent échangé leurs pieuses inspirations, leurs maternelles sollicitudes, et que dans leurs deux âmes, il n’y avait qu’une même vertu.

Élevés ensemble, longtemps réunis dans une même tendresse, séparés par la distance des lieux, mais rencontrant dans nos carrières diverses d’analogues vicissitudes, il fallait donc que nous éprouvassions encore la cruelle fraternité du malheur. Hélas ! il n’était pas besoin de celle-là pour nous unir ! Et en ceci encore j’ai eu le privilège d’un funeste droit d’aînesse. J’en userai du moins pour te faire part de mon expérience récente, et t’adresser des paroles consolatrices que peut-être tu écouterais moins si elles n’étaient écrites sous l’impression d’une même destinée.

Sans doute rien n’est plus déchirant que cette longue absence, rien n’est plus sombre que cette solitude croissante et ce vide que la mort fait autour de nous, et dans le premier moment, toute pensée de consolation semble impossible, injurieuse même pour notre tristesse. J’ai connu cet