Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/375

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L’Angleterre met sa gloire dans son agriculture, qui lui donne les plus gras troupeaux et par conséquent la meilleure viande du monde ; et dans son industrie, qui lui permet de fournir les meilleurs tissus au plus bas prix. Comment se fait-il donc que Londres, Birmingham, Manchester, Liverpool, Leeds, aient une population considérable qui non seulement ne mange pas de viande, mais qui manque de pain et qui vit de pommes de terre ? Comment la capitale même est-elle sillonnée d’indigents demi nus qui poursuivent l’étranger, qui se jettent jusque sous les roues des voitures, portant sur leur visage l’empreinte d’un désespoir inexorable ? La, taxe des pauvres et les workhouses n’y peuvent rien : les Anglais ne sauraient empêcher la mendicité de pénétrer dans Londres, ils la tolèrent et je les loue de la tolérer. Mais alors pourquoi insulter d’un air si hautain la mendicité des pays catholiques ? Jamais dans les rues de Rome je n’ai rencontré rien de comparable à ces femmes en haillons qui tendent la main le long du Strand ; à ces petites filles qu’on voit la robe déchirée jusqu’aux hanches, les pieds nus dans la boue noire et froide. Ne dites pas que c’est l’étalage d’une détresse qui veut forcer la pitié du passant. Pénétrez, je ne dis pas dans les quartiers pauvres de White Chapel ou de Southwark, mais derrière ces rues fastueuses de Regent-Strcet, d’Oxford-Street, vous trouverez d’étroites ruelles, obscures, fétides, sur lesquelles s’ou-