Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 11.djvu/388

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sition véritable, et une matinée passée dans ces lieux sombres et opulents m’a peut-être plus frappé, plus instruit que les élégantes galeries du Palais de Cristal.

Cependant je ne sais encore prendre mon parti d’un côté on ne peut refuser une juste admiration à tant d’activité, de travail et d’intelligence. Évidemment le progrès de l’industrie est légitime, il entre dans la vocation de l’humanité, et toutefois je ne saurais m’empêcher d’y sentir quelque chose de dangereux, de tentateur et de satanique. Assurément ces merveilles éblouissantes ne s’étalent pas sans péril devant des yeux déjà trop épris des biens de la terre. Il me semblait toujours voir au seuil de l’exposition le démon qui transporta le Sauveur sur la montagne, et qui disait encore « Je vous donnerai tout cela si, vous prosternant, vous m’adorez. »Puis, ce qui semble un signe de réprobation, c’est que ces richesses ne servent pas ; au bout du compte, à rendre meilleur le sort de l’humanité, le sort du grand nombre. C’est que ,la ville la plus riche de l’univers est. aussi celle qui traite le plus rudement ses pauvres. Pendant que l’étranger erre avec enchantement dans la fastueuse rue de Regent-Street, derrière cette rue même il y a des quartiers affreux où croupit une misère dont nous n’avons pas d’exemple. J’ai visité, avec un membre de la Société de Saint-Vincent de Paul, quelques-uns de ces réduits, et j’ai su qu’il fallait