Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/120

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permise que d’atteindre jusqu’aux dernières racines et aux premiers germes de ses fleurs, de savoir d’où elles ont reçu la sève et la vie. C’est là ce que nous venons de voir, et nous ne nous arrêtons plus désormais à ces fleurs de poésie des temps chevaleresques, dont la racine est cachée dans la dernière profondeur des temps chrétiens.

En étudiant les mœurs chrétiennes du cinquième siècle, nous venons d’assister à la plus grande révolution intellectuelle qui ait jamais été. Les lettres sont gouvernées par les intelligences, oui, mais par les intelligences qu’elles ont pour mission d’instruire ou de charmer. C’est l’auditoire qui fait l’orateur ; c’est la foule pour laquelle ils chantent qui inspire et suscite les poëtes : dans l’antiquité, les philosophes ne parlent que pour un bien petit nombre d’esprits d’élite, que pour le cortège peu nombreux des initiés et des adeptes ; les orateurs s’adressent à la foule qui couvre les places publiques, mais cette foule ne se compose que des citoyens ; les poëtes, à Athènes, produisent pour le théâtre, mais au théâtre n’entrent que les hommes libres. À Rome, les femmes vont au théâtre, mais la poésie latine, si peu intelligible pour le vulgaire, ne s’adressait encore qu’à un petit nombre d’esprits. Horace s’en plaint, il savait que, ainsi que Virgile, il n’était goûté tout au plus que par des chevaliers, et que jamais son génie ne descendrait jusqu’aux derniers rangs du peuple-roi. Les lettres