antiques n’avaient jamais parlé qu’au petit nombre : il en fut autrement des lettres chrétiennes qui s’adressent à tous. Les Pères écrivent pour les esclaves et composent pour les femmes, et saint Jean Chrysostome se félicite, dans ces termes énergiques que vous lui connaissez, de ce que le christianisme apprend à philosopher aux cordonniers et aux foulons. Les Pères montent en chaire non plus pour parler seulement à ceux qui ont le droit de cité, mais à tous les hommes libres, à tous les esclaves, aux femmes, aux enfants réunis dans la même basilique.
On a considéré comme un événement grave, dans l’histoire de l’esprit humain, l’invasion et l’arrivée des barbares : on a eu raison, car enfin les barbares venaient renouveler l’intelligence humaine en donnant à tous ceux qui étaient capables de parler et d’écrire des auditeurs nouveaux, une foule neuve, qui n’apportait pas des oreilles blasées, un esprit flétri, qui venait leur ouvrir, au contraire, un cœur jusque-là libre et disposé à frémir, à tressaillir de tout ce qui serait véritablement digne d’admiration. On a eu raison : l’arrivée de ce flot d’esprits nouveaux devait changer les conditions littéraires du monde ; mais on n’a pas pris assez garde à cette invasion plus grande, plus considérable, accomplie avant celle des barbares : je veux dire l’invasion des esclaves, des ouvriers, des pauvres, des femmes, dans le monde intellectuel, c’est-à-