même, par ces écrivains africains qui brisaient sans ménagements les formes antiques, par cette multitude d’étrangers de toute race qui violaient les lois de la langue aussi peu scrupuleusement que les frontières de l’empire, et qui, en défigurant cette langue, en la faisant grossière comme eux, la rendaient accessible à cette multitude de Goths, de Francs, de Saxons appelés à la parler un jour. Ainsi se formait le latin de l’Église, idiome étrange, à la fois ancien et nouveau, souvent sublime dans sa rudesse, qui eut aussi sa grâce, ses ornements et ses grands écrivains, assez riche pour tous les besoins de la liturgie, de la scolastique, du droit canonique et féodal, assez familier pour servir aux affaires, à l’enseignement, à l’éducation des barbares, et assez fécond pour produire toute la famille moderne des langues néo-latines.
Ainsi la langue de la civilisation chrétienne était trouvée : il reste à voir comment en sortiront ces choses qui font la substance de toute littérature, l’éloquence, l’histoire et la poésie.
Aujourd’hui nous traiterons de l’éloquence. L’antiquité avait aimé jusqu’à l’excès le plaisir de la parole : je dis le plaisir, car la parole n’avait pas seulement à satisfaire la pensée, il fallait surtout qu’elle charmât les sens. Pour les Grecs et pour les Romains eux-mêmes, l’éloquence était un spectacle et la tribune une scène. De même que le théâtre grec était une sorte de temple où l’acteur,