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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/284

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l’homme, pour dire quoi que ce soit, a besoin d’employer des signes qui, précisément parce qu’ils sont matériels, restent toujours inférieurs à sa pensée, à plus forte raison il doit en être de même quand on entreprend de parler à Dieu, de Dieu, des choses invisibles, de toutes ces conceptions infinies que l’intelligence n’atteint qu’à peine, qu’elle entrevoit un moment, qui passent comme des éclairs qu’elle voudrait fixer, mais qui ont disparu avant qu’elle ait pu comparer son expression imparfaite avec l’idée même qu’elle voulait rendre. C’est pourquoi, quand l’homme essaye de parler de ces choses éternelles, aucun signe ne lui suffit, ne le satisfait ; tous les moyens sont employés et viennent, pour ainsi dire, à la fois sous sa main. Mais tout ce que peuvent et le ciseau, et le pinceau, et les pierres élevées les unes sur les autres jusqu’à des hauteurs inaccessibles et jusque vers le ciel, tout ce que peut produire la parole d’illusion et d’harmonie quand elle est soutenue par le chant, tout est employé par l’homme, et rien n’arrive à contenter les justes exigences de son esprit dès qu’il s’agit de ces grandes et immortelles idées. Cependant, malgré cette impuissance, l’idéal qu’il a poursuivi apparaît, se laisse entrevoir avec une sorte de transparence, et c’est cette transparence de l’idéal à travers les formes dont il est revêtu qui constitue véritablement la poésie ; car la poésie primitive n’est