Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 2.djvu/38

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son ami « Où nous mènent tous, nos travaux’? dit-il ; que poursuivons-nous ? Quel peut être notre espoir, sinon de devenir amis de l’empereur ? -Et avec quel péril ? Or il dépend de nous de devenir amis de Dieu et dès aujourd’hui. » Il recommença à lire, et’son âme changeait, et son esprit se dépouillait du monde il lisait, et les flots de son cœur roulaient tumultueusement. II frémit un moment, il jugea, il se décida, et, déjà vaincu, dit à son ami : « C’en est fait, je romps avec mes espérances, je veux servir-Dieu ici même et sur l’heure. » Son ami l’imite; leurs deux compagnons les rejoignent, apprennent —leur détermination et les quittent en pleurant mais c’était sur eux-mêmes, qu’ils pleuraient[1]. Ce récit admirable montre par quelle puissance soudaine, par : quel irrésistible entraînement se propageait cet-enthousiasme de la vie solitaire, au milieu de la vie dissolue, attristée, appauvrie, de cet Occident, à la porte duquel les barbares frappaient déjà . Le compagnon ~de cet officier l’imite, tous deux s’enferment en même temps dans ce monastère. Ainsi naquit la vie cénobitique en Occident. Je ne vous raconterai pas comment saint Jérôme, du fond de sa solitude de Bethléem, formait et disciplinait des colonies de moines, qui, se répandaient ensuite dans toute l’Italie ; comment saint

  1. Aug., Conf. I. VIII, c. VI.