Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/162

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sage, le teint pur et les blonds cheveux. Et comme il s’informait de leur religion et de leur patrie, le marchand répondit que ces enfants étaient païens, et qu’ils appartenaient à la nation des Angles, en Grande-Bretagne. « Quel malheur, s’écria le serviteur de Dieu, que la grâce n’habite pas encore sous de si beaux fronts ! Car, ajouta-t-il, ces Angles sont des anges et tels doivent être les frères des anges dans le ciel. » Devenu pape, Grégoire se souvint des barbares aux visages d’anges et, par ses ordres, le moine Augustin, accompagné de quarante religieux, passa en Grande-Bretagne[1].

Le christianisme n’avait pas d’ennemis plus redoutés que les Anglo-Saxons. Depuis cent quarante ans qu’ils occupaient la Bretagne, le temps n’avait pas éteint la première fureur de la conquête et telle était l’oppression où vivait le petit nombre de chrétiens bretons qui habitaient encore les villes romaines, qu’en 586 Théon, évêque de Londres, et Thadioc, évêque d’York, abandonnèrent leurs églises, et se réfugièrent avec les corps des saints dans les montagnes du pays de Galles. Jamais cependant le salut de l’Angleterre n’avait été plus proche. Dix ans après, quarante étrangers débarquaient dans l’île de Thanet, portant une croix d’argent avec une image peinte du Sauveur, chantant des litanies, et

  1. Johanes diaconus, de Vita S. Gregorii Magni, lib. II, cap II.