Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/254

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si j’étais présent devant vous car, selon la promesse reçue de Nôtre-Seigneur et Rédempteur, je distingue le peuple des Francs entre toutes les nations. Prêtez aux Romains, prêtez à vos frères tout l’appui de vos forces, afin que moi, Pierre, vous couvrant tour à tour de mon patronage en ce monde et en l’autre, je vous dresse des fentes dans le royaume de Dieu[1]. » Voilà le titre que Charlemagne trouva dans l’héritage de ses pères, et qui ne lui laissait de doute ni sur la grandeur ni sur la légitimité de sa mission. Ce fut le mérite de ce jeune prince de l’avoir comprise, et, dans toute la force de l’âge et dans tout l’éclat de la victoire, d’avoir voulu un autre appui que la victoire et la force. La religion, qui disputait son cœur aux passions désordonnées de la chair, arrachait son esprit aux vues bornées d’une politique barbare. Pendant qu’il cherchait à dompter la violence de ses penchants par la prière, par le jeûne,’par les veilles saintes ; pendant que ses aumônes allaient jusqu’en Afrique et en Palestine soutenir la foi persécutée des populations chrétiennes, il se rendait à l’appel de saint Pierre, sauvait

  1. En citant la lettre écrite par le pape Étienne au nom de l’apôtre saint Pierre (D. Bouquet, V, 495), je me suis borné aux passages les plus décisifs. La critique moderne ne permet plus de considérer cette lettre comme une supercherie religieuse, ni même comme une vaine prosopopée. C’était l’usage de ce temps, dans la plupart des chartes où une église figurait comme partie intéressée, de remplacer son nom par celui du saint qui en était le patron ou le fondateur.