qui finit par le rendre éloquent, il cite au tribunal du Christ tous les poëtes, tous les orateurs, les historiens, les philosophes du paganisme, et les défie de rien apprendre à des chrétiens[1].
Pourquoi saint Ouen se déclare contre les anciens.
Sans doute, il est dur d’entendre ce barbare injurier Virgile, Tite-Live et Cicéron ; mais il faut se rappeler la dureté des temps, la lutte désespérée qui s’engageait entre les traditions romaines restaurées par la politique des Mérovingiens, et le génie germanique, encore tout vivant dans les mœurs, dans les passions du peuple franc. Les évêques commençaient à comprendre que les efforts de la royauté pour restaurer la société ancienne n’aboutiraient qu’à sa ruine. Voilà pourquoi ils se détachaient de cette antiquité qui avait souvent fait l’admiration et les délices de leurs prédécesseurs ; ils s’en défiaient comme d’une lumière incapable de conduire les nations au milieu des périls nouveaux où la Providence les avait poussées. La violence des événements ne laissait plus de loisir aux études spéculatives, à ce culte du beau qui fait oublier l’utile. Les esprits sérieux ne pouvaient
- ↑ Vita S.Audoeni. Audoeni Vita S. Eligii, ap. d’Achery, Spicilegium, prologus : « Ita stylum placet corrigere, ut nec simplicibus quibusque grammaticorum sectando fumos displiceat, nec scholasticos etiam nimia rusticitate offendat. Nam et ecclesiasticum dogma etiam si habeat eloquii venustatem, ita eam dissimulare debet et fugere, ut non otiosis philosophorum sectatoribus, sed universo loquatur hominum generi. Qui sophistice loquitur odibilis est. Quid enim legentibus nobis diversa grammaticorum argumenta proficiunt, quum videantur subvertere potius quam aedificare ? »