Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/546

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tienne. Cet écrivain fécond était aussi un maître infatigable. Au fond de sa solitude de Jarrow, on le voit entouré de disciples il les instruisait avec tant de persévérance, que les douleurs de sa dernière maladie n’interrompirent pas ses leçons de chaque jour. Je ne sais rien.de plus attachant, ni qui fasse mieux revivre les mœurs littéraires des cloîtres anglo-saxons, que les derniers moments de Bède racontés par son élève Cuthbert ?

« Dans ces jours-là, Bède commença deux ouvrages une traduction de l’Évangile selon saint Jean dans notre langue, pour l’utilité de l’Église de Dieu, et quelques extraits d’Isidore, évêque de Séville ; « car, disait-il, je ne veux pas que mes enfants lisent des erreurs, ni qu’après ma mort ils se livrent à des travaux sans fruits. » Le troisième jour avant l’Ascension, il se trouva beaucoup plus mal. Il continua néanmoins de dicter gaiement, et quelquefois il ajoutait : « Hâtez-vous d’apprendre, car je ne sais combien de temps je resterai avec vous, ni si mon Créateur ne m’appellera pas bientôt. » Le jour de la fête, aux premières lueurs du matin, il ordonna qu’on se hâtât d’écrire ce qu’on avait commencé, et nous travaillâmes jusqu’à l’heure de tierce. Depuis tierce, nous fûmes avec les autres religieux, comme l’exigeait la solennité. Mais un d’entre nous resta auprès de lui, et lui dit alors : « Il manque un chapitre au livre que vous avez dicté ; et il