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Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/600

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lisons pas de trouver qu’un temps fût où l’on n’expliquait pas Virgile aux élèves du palais Alcuin réclama pour le poëte, et tout donne lieu de croire qu’on lui rendit justice. Virgile eut le privilège de diviser les hommes de ce temps, de faire la passion des uns, le scandale des autres, l’occupation de tous ; Rigbod, évéque de Trèves, savait mieux les douze livres de l’Énéide que les quatre Évangiles. Alcuin, dans son enfance, avait préféré les larmes de Didon aux hymnes de David. Il est vrai que, plus tard, il se reproche amèrement ce péché, et que, devenu vieux, il ne veut plus faire admirer à ses écoliers de Tours les dangereuses beautés du poëte païen. Mais son disciple Sigulfe leur lira Virgile;en cachette peu à peu le doux chantre des Géorgiques se fera ouvrir les portes les plus sévères ; on le trouve dans les catalogues de toutes les bibliothèques ecclésiastiques du neuvième et du dixième siècle, à Saint-Gall, à Fulde, à Metz, à Reims, ordinairement en compagnie d’Horace et de Térence. On le donnera même en spectacle au peuple dans les drames religieux : Virgile aura la parole après David et Isaïe dans les mystères des Vierges sages et des Vierges folles, et on le mettra parmi les prophètes, plutôt que de le laisser avec les réprouvés[1]. On n’a plus d’inquiétude pour les anciens, quand l’éducation de Charles le Chauve

  1. Alchuini Vita ap. Froben. Leboeuf,Dissertations,t.II, p.17.