Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 4.djvu/604

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aller servir le paysan qui leur fera porter le toit de sa maison, ou le navigateur qui en formera les flancs de ses vaisseaux. Quoi de plus libre que le torrent ? Et cependant on est venu le chercher dans son lit ; on l’emprisonne, on l’attache comme un esclave à la meule. Ne dites pas que ces usines déshonorent ta sauvage beauté du désert le bruit des marteaux et la fumée des forges vous apprennent que la création obéit à l’homme, et l’homme à Dieu.

L’histoire nous a donné un spectacle semblable. Nous avons vu la barbarie dans toute la grandeur que lui prêtent les récits de Tacite et les chants de l’Edda. Nous connaissons ces Germains créés pour la ruine de l’empire et pour la conquête de l’Occident, capables de tout, hormis d’obéir et de travailler. Après la guerre et la chasse, ils passent de longues journées d’hiver dans l’inaction, dans le sommeil de la pensée. Le Christianisme vient ; et s’il craignait, comme on l’assure, le réveil de la raison humaine, il n’aurait qu’à laisser dormir ces peuples. Il trouve en eux des hommes qui ne lisent point, n’écrivent point, qui l’aideront, s’il le veut, à brûler ce qui reste de l’antiquité païenne. Mais il en use bien autrement avec l’Evangile, il leur donne des lois au lieu de planter une croix dans la solitude, et d’être satisfait si les tribus converties sont venues prier autour, il leur fait bâtir des villes, il entasse dans les murailles, dans la