Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/146

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devait les pousser vers Dieu ; et quand il leur restait assez de pitié pour s’occuper des hommes, on comprend que, mécontents des grands et des lettrés, ils finissent par se tourner vers les ignorants, les petits et les pauvres. Ce fut la destinée d’un Italien plus ancien que Dante, et en qui l’Ordre de Saint-François trouva son poëte le plus populaire et le plus inspiré. Je veux parler du bienheureux Jacopone de Todi.

Je ne m’engage pas sans quelque hésitation dans l’histoire de cet homme extraordinaire, qui passa du cloître à la prison, et de la prison sur les autels. On y verra des temps difficiles, l’Église en feu, et un grand religieux en lutte avec un pape. Mais je ne puis éviter cette difficulté de mon sujet ; je continue l’étude des poëtes franciscains, j’arrive au plus illustre, à celui qui composa le Stabat : il faut bien savoir quels événements l’inspirèrent. D’ailleurs, la gloire de Dieu ne fut jamais intéressée à cacher les fautes des justes. Les incroyants peuvent s’en réjouir, les faibles s’en étonner. Les esprits fermes dans la foi en prennent sujet d’admirer la supériorité du Christianisme, qui jamais n’imagina ses saints comme les stoïciens voulurent leurs sages, comme des hommes impossibles, sans passions et sans faiblesses : il les conçoit tels que la nature les a faits, passionnés, faillibles, mais capables d’effacer par un jour de repentir plusieurs années d’erreurs.