Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/173

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a faute du religieux était grande: la pénitence fut terrible. Lorsqu’on septembre 1298 Boniface, après un long siège, eut réduit Palestrina, Jacopone expia ses vers au fond d’un cachot. Lui-même nous décrit le lieu souterrain où il fut enfermé « comme un lion, » les chaînes qu’il traînait retentissant sur le pavé, la corbeille où le geôlier lui laissait son pain de chaque jour, l’égout au bord duquel il se penchait pour étancher sa soif. Mais le vieux pénitent se riait de ces rigueurs. On ne pouvait, disait-il, lui faire plus de mal qu’il ne s’en voulait. Il y avait trente ans qu’il priait Dieu de le punir et, dans la joie de se voir exaucé, il mêlait ses chants au bruit de ses fers.[1] Cependant cet homme invincible aux souffrances plia sous l’excommunication. Dans le silence du cachot, il eut le temps de considérer la cause pour laquelle il se trouvait mis au ban de la chrétienté. Il se vit seul dans la disgrâce de Dieu et des hommes, pendant que les auteurs mêmes du schisme, les Colonna, en habits de deuil et la corde au cou, étaient allés se jeter aux pieds de Boniface, désormais chef incontesté de l’Église universelle. Il se

  1. Jacopone, Poesie spirituali , lib. l, sat. 16

    Che farai ,fra Jacopone,
    Ch’or se’giunto al paragone ?
    Fui al monte Palestrina
    Anno e mezzo in disciplina :
    Pigliai quivi la malina.
    Onde n’ haggio questa prigione, etc.