Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/211

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nisme, plus vivaces qu’on ne pense, la superstition poussée jusqu’à ce point qu’à Florence, une sorte de terreur populaire environnait encore la statue de Mars, arrachée de son temple et transportée au Vieux-Pont. Le dualisme renaissait dans l’hérésie des Albigeois, et le matérialisme épicurien, sous le nom d’Averrhoës, envahissait les écoles. D’un autre côté, c’était le vieux levain de la barbarie, l’instinct du sang et de la chair. Vainement l’Église professait le respect de la vie humaine ce temps aimait le spectacle de la mort ; il se satisfaisait par les guerres incessantes, par les vengeances, par l’atrocité des supplices : Ugolin mourait de faim avec ses fils ; Eccelin le Féroce brûlait en un jour onze mille Padouans. En même temps la concupiscence, châtiée dans les monastères, prenait sa revanche dans les palais : elle poussait les rois à ces divorces fameux, tourments de tant de Papes ; elle peuplait les sérails de Frédéric II et de Manfréd. Les vaisseaux qui ramenaient les croisés rapportaient tous les vices de l’Orient, et, en présence des débordements qui suivirent les guerres saintes, saint Bernard eut à se défendre de les avoir prêchées. Mais, si le moyen âge eut le malheur de connaitre le mal, il eut le mérite de le haïr. Il n’usa pas de nos ménagements et de nos délicatesses. Les sages d’alors ne craignaient pas de diminuer le respect en publiant les vices des grands. Si la corruption pénétrait dans le sanctuaire, le fouet qui chassa