Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/217

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les moines de son siècle, tant d’intempérance dans le manger et le boire, tant de mollesse dans les lits et les vêtements, tant de magnificence dans les montures et les constructions. Saint Pierre Damien portait ses coups plus haut, et ne craignait pas d’armer son zèle d’un trait satirique, quand il accusait le luxe des prélats, leurs tables où des pyramides de viandes exhalaient toutes les épices de l’Orient, les vins de mille sortes petillant dans des coupes de cristal, les lits plus riches que les autels, et les murailles ensevelies sous des tapisseries comme des morts sous leurs linceuls[1]. Pendant que le spectacle de ces maux animait le courage des grands réformateurs, d’autres âmes moins fortes, mais non moins pures, n’y trouvaient qu’un sujet d’épouvante, et pensaient reconnaître dans le lieu saint l’abomination de la désolation prédite comme un signe de la fin des temps. Voilà pourquoi le moyen âge aima les peintures de l’Apocalypse, et surtout cette terrible histoire de l’Antéchrist qu’on trouve encore au quinzième siècle, tracée d’une touche si fière par Luca Signorelli sur

  1. Jacopone, IV, 36, I, 9. Cf. saint Bernard, Ad Guglielmum abbatem. Saint Pierre Damien, Opusc. XXXI, cap. VI ; apud Muratori, Antiquit. italic., t. II, p. 310: « Dilari cupiunt, ut turritœ dapibus lances indica pigmenta redoleant, ut in cristallinis vasculis adulterata mille vina flavescant, ut quocumque veniunt, praesto cubiculum operosis et mirabiliter textis cortinarum phaleris induant, sicque parietes domùs ab oculis intuentium tanquam sepeliendum cadaver involvunt. »