Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/396

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milieu des dragons, des monstres et des foudres. Enfin, le cours de l’Euphrate qu’il remonte le conduit au pied des murs d’Eden, derrière lesquels on entend la voix des anges occupés à louer Dieu. Le héros frappe longtemps à la porte, il somme les habitants de se taire, d’ouvrir, et de payer tribut comme le reste du monde. La porte demeure fermée seulement un vieillard paraît sur la muraille, et fait présent à Alexandre d’une pierre d’aimant. Cette pierre peut soulever le fer, et cependant un peu de terre dans une balance pèsera plus qu’elle. Ainsi de l’homme, qui soulève le monde ; mais quelques jours après sa mort, un peu de poussière vaudra mieux que lui. Le héros s’émeut de ce discours ; il se tourne vers Dieu, renonce aux conquêtes, et lorsqu’il meurt après douze ans d’un règne paisible, le poète ajoute « qu’il lui fut pardonné. » Ainsi ce génie du moyen âge, qu’on se représente toujours prêt a damner les vivants et les morts, fait preuve d’une singulière indulgence. Les romanciers ne peuvent se résoudre à prendre congé des héros qu’ils aiment, sans les laisser acheminés vers le ciel. Nous voici en paix sur le salut d’Alexandre. Dante mettra Caton en purgatoire, Trajan en paradis. Et le poète anglais Lydgate n’achève point les funérailles d’Hector sans lui faire élever un tombeau dans la cathédrale de Troie, auprès, du maître-autel ; une messe perpétuelle est fondée pour le repos de son âme.