Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/408

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la charité, de l’abstinence et de la résignation, laissent assez voir ce que pouvait l’Église sur l’esprit indompté des Scandinaves. Cependant on reconnait encore dans le tableau de l’enfer les reflets sinistres du paganisme. Les vieilles peintures du royaume des ténèbres (Muspelheim) sortirent lentement de la mémoire des peuples du Nord. J’en retrouve le souvenir et le nom (Muspilli) jusque dans un cantique du jugement dernier, composé au neuvième siècle. Longtemps les patres de la Souabe et de la Suisse ont montré les montagnes creuses, ou quelqu’un d’entre eux ayant pénétré, avait vu Siegfried, Charlemagne ou Frédéric Barberousse tenir sa cour avec les morts[1]. Toute la poésie du moyen âge.était donc pleine des spectacles de l’éternité. Mais de même que les songes de la nuit se forment des pensées du jour, ainsi les poëtes rêvent ce que les peuples croient. Les peuples croyaient donc au commerce des vivants et des. morts ; ils croyaient l’Eternité accessible aux âmes pures, ils croyaient aux visions. Il n’est pas de récits que les enfants aient plus curieusement écoutés de la bouche de leurs mères,

  1. Wackernagel, Deutsche Lesebuch, Von jungsten Gesicht :

    Dar ni mac denne mac andremo
    Helfan vora demo Muspille.

    On peut citer aussi la peinture terrible du jugement dernier dans L’Harmonie des Evangiles, par le Saxon Héliand, Gervinus, Geschichte der Deutschen Poésie, t. I. Sur les montagnes creuses Grimm, Deutsche Sage.