Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

populations germaniques, maîtresses du nord de la France, où elles gardèrent longtemps leur langue, plus longtemps leur caractère et leurs mœurs. À la fin du treizième siècle, les Siciliens accusaient dans un manifeste « la barbarie de ces Français qui, au lieu de s’instruire à l’école de l’Italie, allaient chercher au delà du Rhin des lois sauvages et des coutumes sans pitié[1] . » Nos voisins avaient pu s’en apercevoir aux fureurs de la guerre albigeoise. Il faut donc s’attendre, en remontant le cours des chroniques françaises, à les trouver mêlées de ces redoutables récits qui viennent y jeter la terreur et souvent la lumière. L’habitude en est si profonde, que le bon Joinville ne saurait achever son histoire sans l’embellir d’une vision et il y conte l’aventure d’un prince tartare miraculeusement transporté au milieu de la cour céleste pour y apprendre les destinées de son peuple[2] . Au onzième siècle, quand les premiers signes d’une renaissance chrétienne se montrent dans la sainte abbaye de Cluny, on lit dans ses annales qu’un chevalier revenant de Palestine, jeté par les vents sur une île déserte, s’était trouvé près du séjour des morts. Il avait appris d’un ermite, seul habitant de la contrée, que souvent on y entendait les plaintes des

  1. Epist. Panormitanorum ad dominos cardinales. Apud Amari, Vespro siciliano, t. II «  Hispidae gentis finitima in feram barbariam et convictam crudeliter efferatur. Hinc indiscreta dominia, hinc dira regimina. » Ce texte est souvent corrompu.
  2. Joinville, Vie de saint Louis.