Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/503

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par l’étude, échauffée par la tendresse et par la douleur ; car Dieu n’a pas ménagé le feu dans l’encensoir. Cet homme a l’inspiration depuis l’âge de neuf ans, son cœur est tourmenté d’une passion qui veut quelque chose de grand, et que rien de médiocre ne peut contenter. Il a l’impatience de savoir son zèle n’a reculé ni devant les voyages lointains, ni devant les langues ignorées et la rareté des livres, ni devant l’inexorable ennui qui est au fond des sciences comme des plaisirs de la terre. Enfin, il a la foi ; qui ne lui permet pas de résister à une vocation si manifeste. Il semble, au surplus, que la Providence ait pris ses précautions avec lui, qu’elle l’ait poussé hors de sa patrie, qu’elle lui en ait fermé les portes, afin qu’un si beau génie, au lieu de se perdre dans les affaires d’une seule ville, arrêté par l’obstacle, se rejette quelque part, et trouve un meilleur emploi. Cet homme, fatigué du temps, se tourne vers l’éternité : il la voit éclairée d’une tradition qui vient du fond des siècles. Il y entre, il s’y établit pour le reste de sa vie ; il y porte tout ce qu’il a d’art et de science, de colère et d’amour il se rend maître de l’ensemble, fixe la structure, travaille pendant vingt ans jusqu’aux moindres détails, et ne se retire qu’en laissant partout la proportion et la beauté. Et le travail du poëte forcera encore, au bout de cinq cents ans, l’admiration de ceux mêmes qui n’aiment ni la pensée de la