Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 5.djvu/69

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ait la puissance de susciter des poëtes. Il est vrai que l’antiquité païenne ne connut rien de pareil. L’antiquité put connaître Dieu : elle ne l’a jamais aimé. Mais regardez les temps chrétiens, et vous verrez que cet amour y devient le maître du monde. C’est lui qui a vaincu le paganisme dans les amphithéâtres et sur les bûchers ; c’est lui qui a civilisé les peuples nouveaux, qui les a menés aux croisades, et qui a fait des héros plus grands que toutes les épopées. C’est le flambeau des écoles où les lettres revécurent pendant les siècles barbares et qui peut douter de son pouvoir sur les esprits, s’il inspira tout ce qu’il y eut d’hommes éloquents depuis saint Paul et saint Augustin jusqu’à Bossuet ; s’il a dicté les Psaumes de David et les hymnes de l’Église, c’est-à-dire les chants les plus sublimes qui aient consolé l’ennui de la terre ? En même temps que le pénitent d’Assise, dans la contemplation de la croix, apprenait à aimer Dieu, il commençait à aimer aussi l’humanité, l’humanité crucifiée, dénuée, souffrante ; et c’est pourquoi il se sentait poussé vers les lépreux, vers les misérables, vers tous ceux que le monde repousse. Dès lors il n’eut plus de paix jusqu’au jour où, en présence de~son évêque, il se dépouilla publiquement des habits de sa condition pour prendre un manteau de mendiant. Les premiers qui le virent passer demi-nu, déchaussé, sur les places de cette ville dont il avait été l’ornement et l’orgueil,