Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/17

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ment nos haquenées, et nous font franchir le rude passage de Salinas. La nuit nous dérobe la florissante ville de Vittoria, et le jour nous surprend à Miranda de Ebro, sur la frontière de la vieille Castille. Nous pouvons nous croire sur la frontière de Sibérie.

Il faut se figurer l’Espagne comme une montagne immense dont les pentes se plongent dans des mers tièdes ou brûlantes, et dont le sommet porte une vaste plaine sillonnée à son tour par d’autres montagnes. Ce plateau forme les deux Castilles, l’Estramadure et la Manche, élevé de deux mille pieds audessus de l’Océan, dévoré tour à tour par les feux du soleil et par des vents glacés. Les Espagnols disent « Six mois d’enfer, six mois d’hiver. » Les mois d’hiver commençaient. Au lieu des chaudes brises qui caressaient hier le golfe de Biscaye, nous trouvions ici le souffle des frimas et des neiges. Le paysage était triste et saississant aussi loin que s’étendait la vue, une campagne nue, sans arbres, depuis longtemps dépouillée de ses récoltes ; au levant et au couchant deux chaînes après et noires découpant leurs arêtes sur un ciel nuageux ; à nos pieds, l’Ebre roulant ses eaux avec le caprice d’un torrent ; aux deux bouts du pont qui le traverse, les rues de Miranda, étroites, misérables, déshonorées de haillons et d’immondices. L’église de Saint-Nicolas, avec son abside romane, sa nef humble et basse, ses fenêtres avares de lumière, rappelle le