Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/18

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temps où les chrétiens pauvres, peu nombreux, moins occupés de bâtir que de combattre, disputaient encore ce coin de terre aux mécréants.

Des groupes animés consolaient la tristesse de ta scène. C’étaient des pâtres accoutrés de peaux de moutons, chassant devant eux ces troupeaux voyageurs qui vont chaque année de la Sierra-Nevada aux Pyrénées ; des muletiers à la ceinture éclatante, à la veste brodée, jetant sur leur épaule ta couverture de laine aux mille couleurs c’étaient des mendiants drapés dans leurs guenilles avec moins de grâce que les Italiens, mais avec plus de fierté. Ce peuple ne ressemble plus à celui des provinces basques. Nous avons affaire à une race pauvre, et paresseuse, mais originale et forte, aux Castillans nobles comme le roi, et trop bien nés pour rien faire s’ils ont du pain, « aux bons vieux Castillans, » Castellanos rancios y viejos.

Le premier aspect du pays ne se dément pas. Seulement les deux chaînes qui bornaient la vue à l’est et à l’ouest se rapprochent et enferment.la route entre deux murs de rochers, dont les crêtes semblent découpées par la foudre. Ce sont les gorges de Pancorbo, teintes du sang des infidèles au neuvième siècle : les restes d’un château dominent la bourgade désolée. On dirait que la guerre vient de passer sur ces villages en ruines, sur ces maisons sans vitres, quelquefois sans portes, et cependant bâties en pierres de taille comme pour soutenir des