Page:Ozanam - Œuvres complètes, 3e éd, tome 7.djvu/203

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les enfants deviendront communs, et les parents ne connaîtront pas ceux qu’ils auront engendrés. Les naissances n’ayant plus d’autre fin que d’accroître et de perpétuer la République, « les magistrats multiplieront les unions des couples d’élites, ils élèveront avec soin les enfants qui en résulteront, afin d’avoir un troupeau toujours choisi. » Voilà pourtant où aboutit un livre qui s’ouvre par la plus admirable distinction du bien et de l’utile, par la plus éloquente défense des lois de la justice éternelle. Platon voulait bâtir la cité des dieux sur la terre ; sa République n’est plus qu’un haras. C’est le chemin qu’un faux principe fait faire aux plus fermes intelligences, et nous ne nous étonnons pas que les logiciens du saint-simonisme et du fouriérisme soient arrivés aux mêmes extrémités. Mais ce qui nous confond, c’est que le plus grand génie philosophique qui fut jamais, servi par la plus harmonieuse des langues, et s’adressant à des Grecs, idolâtres de la beauté, accoutumés à dépouiller toute pudeur dans la corruption des gymnases, n’ait pas pu réunir vingt familles pour les ranger sous ses lois ; et que des modernes aient espéré ramener de vieilles nations chrétiennes à cet excès d’abaissement qui avait révolté des païens.

En effet, tout l’effort de la raison dans l’antiquité même est déjà de rompre le réseau des lois théocratiques, et d’affranchir la personne humaine par une forte constitution de la famille et de la